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Deux Européens indignés parlent de l'actualité. Δυο αγανακτασμένοι Ευρωπαίοι εκφράζονται.

La crise grecque vue par Marc Fiorentino

Publié le 22 Mai 2012 par Les marmottes indignées Οι αγανακτασμ in Grèce

Bonjour les marmottes !

 

Je fulmine depuis que j’ai entendu les « explications » de Marc Fiorentino dans La Nouvelle Edition de Canal+ ce 22 mai 2012

 

Passez les deux premières minutes (débat stérile sur une coupe de cheveux), et ouvrez grand vos yeux (pour les « chiffres ») et vos oreilles (pour les « explications) : c’est « la crise pour les nuls » par Marc Fiorentino, qui va « tout vous expliquer sur la crise grecque ».

 

Il commence par « quelques chiffres très simples », habillés d’un ton méprisant :

 

Fiorentino_ChiffresGrece.jpg« La Grèce, c’est tout petit. Ce pays qui nous ennuie, pour être « sympathique », n’a que 11,4 millions d’habitants, c’est-à-dire que c’est moins d’habitants que l’Île-de-France. En proportion du PIB de la zone Euro, on est entre 2 et 3 %. C’est-à-dire qu’on parle d’un pays microscopique, mais qui a des chiffres effarants : une croissance, une décroissance ! de 6,9% l’année dernière [c’est le PIB de 2011 qui est inférieur à celui de 2010 de 6,9%] , un chômage officiel de 18,5% - on est plus proche des 23 ou des 25 % [en réalité, le chiffre donné par M. Fiorentino est celui d’août 2011, et effectivement continue à monter tous les mois depuis]-, une dette (et, on le verra, malgré l’annulation de la moitié de la dette) à 130 % du PIB (...). Voilà, la Grèce, en chiffres, c’est effarant. »

 

Le manque de rigueur dans ce début de présentation (sources non citées!) et le mépris affiché me laissent tout autant effarée.

Dès le début, M. Fiorentino n’explique pas de quoi se compose la fameuse dette : qui va enfin dire que la dette s’auto-alimente de façon exponentielle ? Ce n’est pas le coût de fonctionnement de l’Etat qui est à remettre en cause, mais bien le coût de la dette elle-même.

 

M. Fiorentino revient ensuite sur la chronologie du « naufrage grec » :

« Janvier 2001, l’entrée dans la zone Euro. (...) Les chiffres grecs ont été trafiqués, ça c’est officiel (...) ; on a menti, avec l’aide de banques d’affaires américaines très connues dont je ne citerai pas le nom (...) qui ne payent pas du tout et qui gagnent de l’argent avec la crise (...). »

 

M. Fiorentino a sans doute raison : « on a menti ». Toutefois, la France, l’Italie et l’Allemagne ne sont pas en reste :

« En 1996, l’Italie a eu recours à des swaps avec la banque J.P.Morgan pour réduire artificiellement son déficit. Depuis, Berlusconi a cédé pour 10 Mds d’euros les droits d’entrée des musées nationaux à une société financière qui reçoit en échange 1,5 Mds d’euros par an pendant 10 ans. La France, elle, a émis en 2000 des emprunts et inscrit le remboursement des intérêts à la fin d’une période de 14 ans. En 2004, Goldman Sachs et Deutsche Bank ont réalisé un montage financier pour l’Allemagne appelé « Aries Vermoegensverwaltungs ». L’Allemagne aurait ainsi emprunté à des taux largement supérieurs à ceux du marché, uniquement pour éviter que la dette n’émerge dans les comptes publics |3|. » (Source : http://www.cadtm.org/Le-sens-de-la-crise-grecque)

 

Fiorentino_Deficit2009.jpg« Deuxième date : novembre 2009 (...) On s’aperçoit huit ans après que tous les chiffres étaient faux. C’est-à-dire qu’on s’attendait à voir un déficit aux alentours de 6% du PIB. (...) C’est pas 6% : c’est 12,7% du PIB. (...) Entre 2001 et 2007, la Grèce marche très bien : elle a plus de 4% de croissance, et quand il y a de la croissance, plus personne ne se pose de questions. »

Il y a effectivement eu croissance... et il y a aussi les jeux olympiques, qui ont creusé le déficit public tout en permettant de lourds investissements de la part de sociétés étrangères en Grèce, notamment françaises et allemandes. Et américaines, comme on l'a lu dans L'Express.

 

« À partir de là, la Grèce vient sonner à la porte de l’Europe. (...) C’est la troisième date (...) : mai 2010 (...) on leur a prêté 110 milliards d’euros, on pensait que ça serait suffisant. Patatra, un an plus tard, en octobre 2011 (...). Sera mis en place en février 2012 un nouveau plan de sauvetage, encore 130 milliards d’euros (...). »

Quel dommage qu’il n’explique pas davantage qui sont ces « on » qui prêtent, ces mêmes banques qu’il évoquait plus haut, celles qui « gagnent grâce à la crise ».

Simple pourtant : le système monétaire européen impose aux Etats d’emprunter aux banques privées. Qui appliquent un taux d’intérêt en fonction de la solvabilité de l’Etat. Plus la note est basse – autrement dit, plus l’état est fragile – plus les taux d’intérêt appliqués sont hauts : on prétend « aider par des prêts » alors qu’en réalité les prêts accordés servent à financer... le remboursement des dettes et des intérêts antérieurs ! (Voir nos articles en macro-économie.)

 

« On efface 50% de la dette grecque et on se dit « avec ça, on va être tranquille ».

La rhétorique est agressive envers le peuple grec : les « ils », « eux » par opposition aux « on » et « nous » utilisés par de nombreux journalistes créent un sentiment de compétition ou d’animosité et renforcent l’idée que l’ « on paie pour eux ».

Pourtant, les Grecs sont plus imposés que les Français et les Allemands : l’impôt sur les revenus des personnes physiques est de 49% en Grèce contre 46,8% en France et 47,5% en Allemagne ; la TVA grecque est de 23% contre 19,6% en France et 19% en Allemagne (Eurostat).

 

« Mai 2012 : (...) élections anticipées en Grèce, les partis qui sont pro-européens perdent les élections. (...) »

Depuis le référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen, la confusion perdure entre « pro-européen » et « pro-institutions européennes actuelles ».

 

« On a la prochaine date (...) : le 17 juin 2012, les prochaines élections. (...)

On a trois scénarios :

Fiorentino_Scenario1.jpgle premier scénario, rien ne bouge : (...) les Grecs ayant peur de ces élections décident finalement de voter pour des partis pro-européens, la Grèce finalement file doux, elle reste dans l’Europe, et rien ne changera ; c’est-à-dire qu’on va gagner six mois, un an. (...) Pour l’instant, on en est vraiment à essayer de gagner du temps, on n’en est pas à essayer de régler le problème, on le voit bien. (...) [On se dit] qu’à un moment donné, la croissance mondiale va redémarrer. (...) En Chine ou aux États-Unis, il va y avoir un moteur qui va s’allumer, qui va permettre de relancer la croissance (...). On espère un miracle. »

La rhétorique, ici, se fait presque religieuse : cette croyance en une croissance mondiale qui repart toute seule rappelle la magie de la « main invisible » du marché. C’en serait émouvant si les conséquences n’étaient pas aussi dramatiques sur le peuple grec qui, lui, a perdu tout espoir. Les salaires et les retraites ne sont plus versées, les banques non solvables. Le peuple grec est en train de mourir de faim parce que le reste de l’Europe « croit » en le retour miraculeux de la croissance !


Fiorentino_Scenario2.jpg

« Le deuxième scénario, c’est le scénario catastrophe : (...) Tsipras, comme le donnent certains de ces sondages, est premier ; on n’arrive pas à avoir de majorité en Grèce et les Allemands ont dit aux Grecs : « si vous ne voulez pas rester dans la zone Euro, sortez, quel qu’en soit le coût, vous sortirez ». (...) On a fait une première estimation du coût : c’est 500 milliards d’euros (...) Il faut savoir que le pays le plus exposé sur la Grèce (...), c’est la France. Si la Grèce sortait de l’euro, en France on perdrait entre 65 et 100 milliards d’euros. »

Ce ne sont pas les chiffres évoqués par Le Point mais il est vrai que l’exercice d’estimation est compliqué, d’autant que les institutions européennes ne prévoient pas de mécanisme de sortie de l’euro.


Fiorentino_Scenario3.jpg

« Le troisième scénario est (...) le plus probable (...). On aura un maintien de la Grèce dans la zone Euro parce que là encore, il faut gagner du temps et les garder en état ; mais d’un autre côté, l’Allemagne pourrait lâcher un tout petit peu (...) en disant à la Grèce « on vous donne (...) plus de temps pour revenir aux critères – dans lesquels ils ne reviendront pas – de la zone Euro (...). »

L’Allemagne et la Grèce sont encore posées en pays adversaires. On est bien loin de la culture « européenne » de solidarité entre les pays, qui est un des fondements de la construction européenne.

À trop opposer deux états, on risque de soulever les peuples. Et à trop rappeler aux peuples leur adversité, on réveille des épisodes douloureux : la haine n’est jamais loin. Ainsi, certains Grecs ont réclamé le remboursement des sommes colossales que l’état nazi a dérobées au cours de la Seconde Guerre mondiale.

La percée des idées d’extrême-droite, dans un tel contexte, n’est pas surprenante.

 

« (...) le problème de la Grèce dépasse le cadre de la Grèce, c’est le problème de toute la construction de la zone Euro : derrière la Grèce, (...) il y a l’Irlande et le Portugal, mais surtout il y a l’Espagne ; derrière l’Espagne, il y a l’Italie ; derrière l’Italie, il y a la France. »

Ah, le fameux effet domino. On l’a vu en 2007 avec la crise bancaire venue des États-Unis (les banques se montrent d’ailleurs bien ingrates depuis leur sauvetage).

 

Toutefois, le problème de fonds reste le moyen de financement des Etats au sein de la zone Euro.

Vu qu’il est le même pour tous, TOUS les pays sont des Grèce potentielles. L’Irlande le sait bien, elle qui a appliqué toutes les recettes libérales et qui pourtant vit une crise terrible.

 

 

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L
"Pourtant, les Grecs sont plus imposés que les Français et les Allemands : l’impôt sur les revenus des personnes physiques est de 49% en Grèce contre 46,8% en France et 47,5% en Allemagne"<br /> --> C'est vrai, toutefois l'un des problèmes principaux de la Grèce, c'est justement la récolte de impôts. Donc peut-être en théorie, oui "ils" sont plus imposés, mais dans la pratique, l'état<br /> perçoit beaucoup moins que la France ou l'Allemagne de cette imposition. (juste pour préciser)
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C
Merci beaucoup pour cet éclairage sur un problème complexe mais qui trouve sa source dans une injustice profonde : faire payer aux peuples les bénéfices des banques !!!
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L
<br /> <br /> C'est un excellent résumé... hélas.<br /> <br /> <br /> <br />